Une bombe éclate dans la chapelle des Carmélites ; tout est bouleversé sous une nuée de poussière et de plâtre : des fidèles qui prient devant le très saint Sacrement exposé, nul n’a reçu la moindre égratignure ; les images de la très sainte Vierge sont intactes mais l’ostensoir est complètement brisé, et on ne peut trouver qu’un fragment de la sainte Hostie. Relevons un fait qui montre à quel point la sainte Hostie était chère aux Dolois. Là, du matin au soir, durant les assauts et les sorties, se presse une pieuse foule que la nuit elle-même ne peut dissiper. Ce jour-là, on chantait au psaume de l’introït du jour : « Venerunt, Deus, gentes in hereditatem tuam, polluerunt templum sanctum tuum » ; nos lèvres murmuraient ces paroles de l’offertoire de la fête de la Dédicace : « Domine, in simplicitate cordis mei, laetus obtuli universa ; Deus Israel, custodi hanc voluntatem ! les tristes jours semblent revenir ; la Procession ne peut plus sortir, et notre Sainte Chapelle a connu pour la seconde fois l’humiliation de l’inventaire. C’est bien là la royauté ecclésiastique de Jésus ; il semblait, qu’en ce jour, s’était réalisé le souhait, dont les Apôtres ont, par une délicatesse de la Providence, l’église nationale comtoise à Rome pour maison généralice : Adveniat regnun tuum Eucharisticum !Et le Roy prend possession de son royaume ; et, à travers les flots pressés de la foule, escorté de ses prêtres et des plus hauts dignitaires de l’Etat, il parvient à l’église Notre-Dame, où il va trouver un palais provisoire.
Et il en sera ainsi jusqu’en 1793 : cette même année, un arrêté de Lejeune, représentant en mission, ayant interdit la procession, le peuple de Dole alla réclamer en émeute jusque dans l’assemblée municipale, contre une mesure qui déchirait les fibres les plus intimes de son cœur.Il n’obtint pas justice, et, depuis dix-huit ans, hélas! A Lui les supplications : devant Lui, on célèbre les prières publiques fondées en 1629 par les États ; on l’implore en 1640, quand les troupes de Villeroy menacent la ville ; en 1668, quand Louis XIV envahit la Franche-Comté ; en 1674, quand pour la seconde fois il assiège Dole ; en 1691, quand, au mépris du droit et des capitulations jurées, le roi veut priver la ville de Dole de son rang de capitale, pour céder aux arguments sonnants qui lui sont proposés ; et enfin, le 5 mai 1789, quand les États généraux s’ouvrent à Versailles et préludent ainsi à la crise dans laquelle tout est menacé de sombrer.Devant lui, Louis XIV, conquérant aussi heureux qu’injuste dans ses prétentions, prête serment de se conduire en bon et loyal comte de Bourgogne.Aussi, comme la ville de Dole honore sa « gloire » et son « secours ».
Autour, des estafiers, avec des lanternes, et les Dolois, tous à pied, tête nue, un cierge à la main ; notez que l’on est au cœur de l’hiver.Et ce voyage épique dure quatre jours, au milieu de l’enthousiasme des populations, qui accourent en procession pour vénérer au passage « l’Arche de la Nouvelle Alliance », et qui, durant la nuit, l’adorent, reposée en l’église principale du lieu.Port-sur-Saône, Gy, où en l’honneur du comte de Champlitte, gouverneur de Franche-Comté, se fait une ostension spéciale hors du coffret, Rochefort, telles sont les trois couchées de la pieuse caravane.Vesoul, Rosey, Saligney, Vitreux, telles sont les autres localités spécialement indiquées comme lieux de halte.Enfin, le dimanche 21 décembre, après midi, à demi-lieue de Dole, une solennelle procession attendait la sainte hostie. Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison.
A peine la persécution était-elle apaisée que le chanoine Lompré, doyen de Dole, et le maire, Claude-Pierre Bouvier, s’efforcèrent de relever les épaves du culte de la sainte Hostie de miracle : la procession du mardi de la Pentecôte rétablie, la confrérie du Très-Saint-Sacrement restaurée, telle fut leur œuvre.